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Samsung, l’empire dynastique coréen

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Dimanche 11 mai 2014, Lee Kun-hee est opéré, à la suite d’un infarctus, au Samsung Medical Centre à Séoul. Il s’agit du patron de Samsung, président de Samsung Electronics et fils du fondateur de Samsung : Lee Byung-chull. Le conglomérat industriel coréen (ou chaebol) est dirigé par la famille Lee depuis trois-quarts de siècle. L’épicerie « 3 étoiles » (traduction de Sam Sung) de Lee Byung-chull, réputée pour son poisson séché, est devenu un empire dynastique tentaculaire qui influence toutes les strates de la société sud-coréenne et dispute la position de leader du marché de l’high-tech au géant américain enfanté par Steve Jobs : Apple.

« Inspirer le monde, Créer le futur » : tel est le slogan du groupe Samsung qui a détrôné en 2012 la firme finlandaise Nokia sur le marché des téléphones portables, après 14 ans de règne scandinave. Aujourd’hui, Samsung Electronics est le plus grand exportateur de cartes mémoire, écrans plats, téléphones portables et smartphones au monde. Il fournit même son principal rival en composants électroniques : Apple.

Samsung se situe à la pointe du secteur porteur de la haute technologie qui refaçonne les sociétés de manière fulgurante. La firme coréenne construit déjà des murs-écrans comme les décrivait le visionnaire Ray Bradbury dans Fahrenheit 451 : la réalité rattrape la science-fiction. Samsung a décidé d’écraniser le monde. Les transports en commun, les aéroports et les centres commerciaux se couvrent d’écrans made in Korea. Samsung développe une domotique ultraperformante qui permet à votre maison de devenir intelligente et connectée : les miroirs indiquent votre rythme cardiaque, votre température et votre masse graisseuse ; les réfrigérateurs comportent des écrans qui vous permettent de contrôler vos stocks, vous suggèrent des recettes et vous permettent de commander et de payer en ligne grâce à la technologie de reconnaissance faciale.

L’objectif de Samsung est de remporter la bataille géoéconomique pour la conquête et le contrôle du marché de l’high-tech dont dépend le monde de demain. La stratégie adoptée pour asseoir sa domination sur ce secteur repose sur trois piliers fondamentaux. Il s’agit d’abord de contrôler l’ensemble de la chaîne de production. Pour cela, Samsung sous-traite très peu en Chine contrairement à son concurrent Apple. Le chaebol intègre ses infrastructures et ses salariés dans de vastes clusters technologiques autarciques comme Digital City à Suwon. Ces 8 villes-usines, véritables cités dans la cité, abritent des milliers de chercheurs et d’ingénieurs qui vouent un culte à Samsung. Ils travaillent, se divertissent, vivent et inventent le futur dans les cités Samsung, fermées par des postes de douanes et dont il est impossible de sortir avec un appareil électronique (crainte de l’espionnage industriel). Engagé dans cette course à la technologie hyperlucrative, le groupe coréen obtient ainsi une plus grande réactivité dans un marché ultraconcurrentiel où chaque progrès technologique rend obsolète le précédent, dans des laps de temps très courts.

Le second principe de la stratégie de Samsung se résume par des investissements massifs dans la Recherche & Développement. La puissance de feu de la firme coréenne réside dans son armada de plus de 40 000 chercheurs issus des meilleures universités coréennes, japonaises et américaines quand ils ne viennent pas des écoles Samsung. Le conglomérat du « pays du Matin calme » possède plus de chercheurs que la NASA ou le CNRS français. Une tactique qui s’avère payante puisque Samsung se classe au 2nd rang des entreprises les plus innovantes au monde derrière Volkswagen.

Enfin, la direction de Samsung choisit de miser sur la publicité (plus gros budget publicitaire de Corée du Sud). Elle cultive son image de marque, consciente que son soft power lui permet d’attirer désormais les cerveaux du monde entier.

Avec un chiffre d’affaires correspondant à 23% du PIB sud-coréen, le destin de l’État asiatique, quinzième économie mondiale, et du chaebol sont intimement liés. Autrement dit, lorsque Samsung éternue, la Corée du Sud s’enrhume. Il existe de fait une collusion entre ces deux acteurs stratégiques depuis plus de cinquante ans. Ils se renforcent mutuellement. Par exemple, Lee Kun-hee possède la double casquette de membre du Comité International Olympique (CIO) et de patron de Samsung. La République de Corée a ainsi développé sa diplomatie sportive et a obtenu, grâce à son soutien, l’organisation des Jeux Olympiques d’hiver de 2018 à Pyeongchang.

Aujourd’hui, le 8ème plus grand conglomérat du monde en termes de chiffre d’affaires (plus imposant qu’Apple et Microsoft réunis) se déploie dans tous les secteurs : haute-technologie (leader mondial), électronique, domotique mais aussi BTP (construction du plus haut gratte-ciel du monde, le Burj Khalifa à Dubaï), pétrochimie, assurances, banques et services financiers, médecine et domaine hospitalier, automobile (Renault Samsung), industrie lourde (chantier naval), armement (Samsung Techwin fournit l’armée turque) et le nucléaire. En 2009, le consortium coréen, emmené par Kepco, Samsung, Hyundai et Doosan, a remporté le contrat de construction de quatre centrales nucléaires aux Émirats arabes unis devant le fleuron industriel français composé d’EDF, GDF Suez, Alstom, Total et Areva.

Désormais, les principaux concurrents de la firme coréenne sur le marché de l’high-tech et de la téléphonie mobile sont chinois. Ils se nomment Huawei, Lenovo et ZTE. Samsung saura-t-il surmonter cette nouvelle menace et relever ce défi géoéconomique ?

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Rémy SABATHIE

Secrétaire général et rédacteur géopolitique pour Les Yeux du Monde, Rémy Sabathié est analyste en stratégie internationale et en cybercriminalité. Il est diplômé de géopolitique, de géoéconomie et d’intelligence stratégique.

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